Avr 7, 2025
Quand on parle de la publication d’un livre en maison d’édition, on pense d’abord à sa parution au format papier, numérique, et éventuellement à sa version poche et audio.
Mais saviez-vous qu’un livre peut aussi être cédé à des éditeurs étrangers pour être traduit en plusieurs langues, ou à une maison d’édition spécialisée en gros caractères, pour permettre aux personnes malvoyantes d’accéder à la lecture ?
Virginie Lancia, directrice commerciale des éditions Leduc, a accepté de répondre à mes questions sur les différentes cessions possibles d’une œuvre. Telle une bonne fée, c’est elle qui cède les droits de tous les titres au catalogue de la maison : elle offre ainsi aux ouvrages de nouvelles vies et participe à la diffusion de leur contenu auprès de publics variés.
Heureuse de contribuer au rayonnement des livres, Virginie multiplie les partenariats et a développé au fil des années de précieux talents de négociatrice. Rencontre avec cette professionnelle passionnée, toujours aussi enthousiaste, et qui sait parler aussi bien des livres que des chiffres de ventes !
Virginie Lancia, directrice commerciale des éditions Leduc
Alors, je suis la directrice commerciale des éditions Leduc et à ce titre, je m’occupe du développement du chiffre d’affaires de la maison d’édition.
Je développe le chiffre d’affaires sur tout ce qui est en dehors du réseau traditionnel du livre qui, lui, est géré par notre diffuseur-distributeur Dilisco. Cela recouvre le numérique, les cessions de droit, les ventes directes, les fabrications spéciales et le solde.
Bien sûr. Mon activité représente environ 20% du chiffre d’affaires de la maison et je suis accompagnée d’une équipe de quatre personnes. J’ai effectivement plusieurs casquettes et c’est ce qui est très enrichissant et intéressant pour l’ensemble des activités de mon service.
Il s’agit de la parution sous forme numérique des livres, en parallèle à leur sortie papier. Pour assurer ce type de parutions, je suis en lien avec notre diffuseur E-Dantes et notre distributeur Adilibre.
Il s’agit de vendre les droits d’exploitation de nos livres à d’autres acteurs du marché, par exemple à des éditeurs poche ou à des éditeurs étrangers.
Il s’agit des ventes réalisées directement par les auteur·e·s ainsi que des ventes sur des points de vente dont l’activité principale n’est pas la vente de livres.
Pour te donner un exemple, ça peut être des boutiques de lithothérapie, à laquelle je vends des livres sur les pierres. Ou bien une marque telle que Passage du désir, à laquelle j’ai vendu l’un de nos ouvrages sur le Kamasutra. Dilisco, notre diffuseur-distributeur, n’est pas en lien avec cette enseigne, donc c’est moi qui m’en occupe.
Virginie a cédé les droits du livre Kamasutra, de Lucile Bellan et illustré par Petite Bohème (2020), à l’enseigne Passage du désir.
Cet ouvrage est donc proposé à la vente dans toutes les boutiques de cette célèbre marque dédiée à l’épanouissement sexuel et sensuel.
Les fabrications spéciales, ce sont des fabrications sur mesure pour des clients en B2B. C’est quelque chose qu’on développe depuis peu de temps et qu’on fait par exemple pour des marques comme Nature & Découverte, la Fnac ou bien encore pour des entreprises ou de la presse.
Le solde signifie que c’est la fin de vie des ouvrages. Plutôt que de les pilonner, pour des raisons écologiques, on les revend à des soldeurs ou on les donne à des associations. Je m’en occupe donc aussi.
📚 Les différents types de cessions d’un livre
Un livre peut être cédé sous différentes formes :
📙 Les cessions de poche, qui représentent le plus gros des cessions.
📙 Les cessions audio.
📙 Les cessions de droits étrangers.
📙 Les cessions pour les éditions Club (France Loisirs, Reader’s Digest…).
📙 Les cessions pour les éditions de livres en gros caractères.
📙 Les cessions audiovisuelles (films, séries…).
📙 Les cessions pour la presse (adaptation de livres en MOOC ou en hors-série).
Quand un livre est cédé, l’éditeur choisit soit de conserver la couverture de l’édition originale, soit de réaliser une nouvelle couverture. Les couvertures sont toujours soumises à validation de l’auteur·e.
De gauche à droite, vous pouvez voir l’édition France Loisirs du titre Ce que murmure le vent, d’Amy Harmon, publiée en avant-première six mois avant l’édition Charleston ; l’édition Charleston (septembre 2021) ; l’édition gros caractères La Loupe (en deux volumes) publiée trois mois après l’édition Charleston ; l’édition poche du Livre de Poche, parue un an après (septembre 2022).
Ce que j’aime, c’est de ne pas être cantonnée à un seul métier. J’adore pouvoir développer le chiffre d’affaires sur plein de supports différents, c’est extrêmement créatif. Je vends des livres différents, sur des sujets très variés, et c’est ce qui est passionnant.
Mon service n’est pas cloisonné à un seul type de cessions. S’occuper de toutes les sessions est très stimulant. Et il m’arrive de m’inspirer de ce que font les éditeurs poche, par exemple, pour d’autres types de cessions.
Et j’adore aussi l’aspect commercial de mon métier, parce que c’est le commercial qui relie toutes mes activités. Je vais chercher en permanence de nouveaux clients, clientes et partenaires.
La chance que j’ai, c’est de pouvoir participer aux développements. Par exemple, sur l’audio, on aurait pu se contenter de céder les droits à nos partenaires, mais on a décidé de mettre également un pied à l’étrier et de produire nos propres publications audio. On est accompagnés par notre diffuseur-distributeur Bookwire.
Aujourd’hui, le marché du numérique est plutôt mature, mais ce n’est pas le cas de l’audio qui, dans tous les pays européens, a des fortes croissances. L’audio pèse entre 1 et 2 % du chiffre d’affaires global de l’édition. Mais dans d’autres pays, c’est beaucoup plus important.
Ce que j’aime, c’est de ne pas être cantonnée à un seul métier.
📚 Les éditions Leduc, c’est…
📙 L’ADN de la marque : publier des livres dont les lecteurs s’emparent et se conseillent pour mieux vivre au quotidien.
📙 7 marques éditoriales : Leduc, Charleston, Nami, Alisio, Animae, Akata et
Le papier fait de la résistance. Les éditions publient des guides pratiques, de la littérature,
des essais, de la spiritualité, des mangas et de la papeterie.
📙 2003 : création des éditions Leduc.
📙 2013 : création de la marque Charleston, marque de fiction d’auteurs français et étrangers.
📙 2021 : achat et développement de la marque de papeterie Le papier fait de la résistance.
📙 2022 : création de la marque Nami, marque dédiée à la littérature de l’intime, et
acquisition de Akata (mangas).
📙 2023 : création de la marque Animae, dédiée au développement spirituel, et lancement du label audio « Charleston Audio »
📙 2024 : lancement du label audio « Écouter, c’est malin ».
Trois exemplaires du Papier fait de la résistance et trois best-sellers de la maison : Ma bible des huiles essentielles, Danièle Festy et Anne Dufour (Leduc, 2008), Les Sept Sœurs, Lucinda Riley (Charleston, 2019), série en sept volumes, La bibliothèque des rêves secrets, Michiko Aoyama (Nami, 2023).
Oui, j’ai travaillé pendant vingt-trois ans chez Interforum. J’y suis rentrée en tant que stagiaire. Puis j’ai été responsable des achats chez ce diffuseur. Je m’occupais du secteur pratique.
Ensuite, j’ai été chez un petit éditeur qui s’appelle Elcy. J’y suis restée trois ans en tant que directrice commerciale aussi.
Enfin, j’ai intégré les éditions Leduc. À l’époque, Pierre-Benoît de Véron, l’actuel codirigeant des éditions Leduc, s’occupait de la partie commerciale et il recherchait quelqu’un pour prendre sa place pour assurer la diffusion traditionnelle du livre et développer le chiffre d’affaires sur d’autres supports.
J’ai tellement bien développé le chiffre d’affaires que maintenant, je ne m’occupe plus que de ça ! La diffusion-distribution traditionnelle, via Dilisco est gérée par une autre collègue qui s’occupe aussi du marketing.
📚 Le parcours de Virginie
📙 1990 : BTS action commerciale.
📙 1992 : Master Marketing et commercial.
📙 J’ai passé quasiment 23 ans chez Interforum à différents postes :
🌟 1991 : chargée d’études au service Marketing (1 an en apprentissage pour ma dernière année d’école de commerce puis en CDI).
🌟 1999 : chef de projet au service Marketing.
🌟 2023 : compte-clé GSA (Grandes surfaces alimentaires). Je négociais le référencement des livres, les quantités et les opérations avec les acheteurs Auchan, Carrefour…
🌟 2008 : responsable compte-clé GSA.
🌟 2011 : responsable développement des ventes (Pratique / Beaux Livres).
📙 2014 : directrice commerciale aux éditions Elcy.
📙 Depuis 2016 : directrice commerciale aux éditions Leduc.
Nous prenons en compte plusieurs facteurs.
Le premier concerne la trésorerie. Ça peut être intéressant de céder un titre afin de diversifier les revenus sur cet ouvrage, par exemple lorsque les droits de traduction et d’acquisition sont élevés.
Ensuite, céder les droits à un éditeur poche ou audio, c’est aussi permettre au livre de toucher un autre public. Dans le cadre d’une stratégie de construction d’auteur·e, c’est bien de s’adosser à certains partenaires qui ont une force de frappe différente.
C’est le cas, par exemple, pour notre best-seller, Les Sept Sœurs, la magnifique série de Lucinda Riley. On a cédé les tomes au Livre de poche et aujourd’hui, c’est l’auteure la plus lue en France !
Le livre de poche est le premier éditeur poche et a une diffusion incroyable. Il se positionne sur des points de vente où nous ne sommes pas forcément présents. Je pense notamment aux Maisons de la presse ou l’enseigne Relay.
Les éditions du Livre de Poche et d’Audiolib du tome 1 de la saga au succès mondial, Les Sept Sœurs de Lucinda Riley.
Pour répondre à ta question, on choisit en fonction aussi des enjeux économiques.
On décide soit de garder un titre, soit de le céder, tout en gardant pour nous aussi ce qu’on appelle des “locomotives”, que ce soit pour le poche ou pour l’audio.
Aujourd’hui, nous avons cédé la série des Sept Sœurs au Livre de Poche et pour l’audio à Audiolib, mais nous avons gardé les One Shot pour Charleston Poche et Charleston Audio.
Céder les droits à un éditeur poche ou audio, c’est permettre au livre de toucher un autre public.
Oui, c’est vraiment du cas par cas. Chaque livre est étudié et on voit si on le cède ou pas. On est flexibles, car on peut décider de le céder en poche, mais de garder la version audio pour nous. C’est extrêmement varié et ça dépend des synergies qu’on peut mettre en place avec nos partenaires.
On identifie les œuvres qui ont un potentiel de cession en réunion tous les deux mois, en concertation avec les éditrices et la Direction. On décide soit de les garder pour nous, soit de les céder, puis on définit à quelles conditions.
Quand une cession avec un éditeur étranger est réalisée par ma collaboratrice, l’auteur·e ou l’agent est informé, en prenant soin de mettre en copie l’éditrice du livre.
📚 Le process des cessions de droits
📙 On identifie lors d’une réunion collective qui a lieu tous les deux mois les œuvres qu’on souhaite céder en réunion.
📙 J’envoie ensuite le programme des œuvres proposées en cessions, toutes marques confondues, ou je dépose les éléments sur une plateforme dédiée. Pour chaque partenaire, je sélectionne les enjeux et titres qui peuvent l’intéresser en priorité.
📙 Ensuite, les partenaires intéressés m’envoient leurs intérêts en me demandant le contenu de tel ou tel titre.
📙 Puis a lieu la négociation qui aboutira à une contractualisation.
📙 Ensuite, on prévient l’auteur·e ou son agent de la bonne nouvelle !
Il faut savoir que les cessions de droits étrangères représentent environ 15 000 contrats par an sur le marché français, donc c’est beaucoup.
J’ai constaté qu’il y a des pays qui sont en progression, tels que la Grèce, la Turquie ou bien encore la Pologne.
Donc, il y a des pays protectionnistes et d’autres qui sont plus curieux. Et puis, il faut savoir que ça dépend aussi des segments de marché. Par exemple, dans les pays asiatiques, les cessions de droits en jeunesse fonctionnent bien.
Céder un titre à un partenaire, c’est donner à une œuvre des vies multiples.
Les ventes directes, ce sont des ventes de nos ouvrages à des points de vente dont l’activité principale n’est pas la vente des livres. Comme je te le disais, ça peut donc être des concept stores, des boutiques d’herboristerie, ou autres.
Ça peut aussi être des professionnels, en B2B (activités commerciales entre professionnels), des entreprises qui souhaitent donner ou revendre les livres sur un sujet spécifique.
Oui, c’est aussi ce qu’on appelle “les ventes auteur·e·s”. Les auteur·e·s ont le droit de revendre leur livre à la seule condition qu’ils ou elles ne soient pas en concurrence avec les libraires et qu’ils ou elles respectent le prix unique du livre.
Sur un salon, par exemple, s’il y a un libraire, l’auteur·e doit éviter de vendre directement ses livres, car le libraire pourrait les proposer aussi.
Pas vraiment, c’est tout le temps en fait !
Concernant les cessions et acquisitions de droits, il y a quand même des pics plus importants au moment des grands salons que sont la Foire de Londres et celle de Francfort.
À ce moment-là, les éditrices achètent des livres étrangers. Elles sont parfois “en enchères” (lorsque plusieurs maisons d’édition sont intéressées pour acheter le même ouvrage, elles se retrouvent alors en concurrence pour faire la meilleure offre possible) et à ce moment-là, pour assurer l’acquisition d’un titre lors d’enchères qui sont élevées, on cherche très vite des partenaires. Ce sont des journées assez denses et intenses parce qu’on est limité par le timing et il nous faut trouver le meilleur partenaire pour nous accompagner sur l’acquisition d’un titre.
Sinon, c’est vraiment une activité dense tout au long de l’année.
📚 La durée des cessions de droits et les délais de parutions
📙 La durée des cessions est très variable. Ça peut être deux ans pour les cessions gros caractères, par exemple. Pour le poche, c’est plus important, entre sept et dix ans. Cela dépend des éditeurs.
📙 Et les délais de parutions sont différents selon le type de cession :
🌟 Club : en avant-première, au moins six mois avant notre parution ou à neuf mois pour pouvoir proposer aux adhérents un prix « Club ».
🌟 Audio : dans la mesure du possible en simultané avec la parution poche pour bénéficier des effets de la promotion. Les ventes sont multipliées par trois lorsque la parution est en synergie avec celle du papier.
🌟 Gros caractères : entre trois et six mois par rapport à nos parutions, en fonction du rythme de publication de leurs catalogues.
🌟 Poche : parution à douze mois.
Non. Les éditeurs cessionnaires sont quasiment tous situés à Paris. J’ai quelques rendez-vous en province, et plusieurs gros clients belges mais je les vois en général une seule fois par an.
En interne, je travaille en étroite collaboration avec mon équipe et quand le projet est cédé, il y a toute la partie suivi de projet et promotion aussi. Je travaille donc en synergie avec l’équipe marketing. On organise des opérations, des jeux-concours.
Finalement, en amont je travaille avec les éditrices et après la cession, avec le service marketing.
Et en externe, je collabore avec les éditeurs poche, les éditeurs étrangers, club, gros caractères et les agents. On se connaît bien avec les agents, parce que c’est à eux qu’on envoie les offres pour validation aussi, parce que la première validation, elle est en interne, mais ensuite, on la valide auprès d’agents.
Et ça, c’est parfois long, du fait des allers-retours, des explications nécessaires sur des points de droits et des négociations.
Effectivement, on est en lien quotidiennement avec le service juridique, puisque c’est lui qui valide nos contrats. La partie administrative et juridique prend du temps, car souvent, les ayant-droits posent beaucoup de questions. Heureusement, je suis accompagnée par Anne-Sophie Corre qui gère toute cette partie-là.
Je dirais en premier des qualités de rigueur, parce qu’avec tout ce que je gère, il faut être organisée.
Il faut également avoir des qualités de négociation à tous les niveaux, car je fais une activité commerciale. C’est le cœur de mon métier.
Mon métier requiert aussi une grande capacité à aller de l’avant, à explorer et à défricher sans cesse. Il faut déployer ses talents de prospection.
Par exemple, pour les ventes directes, il m’est arrivé de travailler pendant des années avec des gros clients et puis, du jour au lendemain, ils ont cessé leur activité. Il m’a alors fallu très vite rebondir et en chercher d’autres. Je ne suis jamais statique.
Mon métier requiert aussi une grande capacité à aller de l’avant, à explorer et à défricher sans cesse.
📚 Le suivi des ventes des titres cédés
Lors de mes rendez-vous avec les cessionnaires, je sors toujours les résultats des ventes. J’ai ainsi un tableau de suivi des ventes qui liste les grands formats et les ventes en poche.
Ça permet de voir les résultats et au besoin, de réfléchir à une action marketing conjointe pour booster un titre en particulier. C’est important pour le suivi du chiffre d’affaires.
Le but de ces cessions, c’est aussi de développer l’image et la notoriété de l’auteur·e, donc on n’hésite pas à réajuster en fonction des résultats.
Le but des cessions, c’est aussi de développer l’image et la notoriété de l’auteur·e.
Mes trois coups de cœur récents sont :
📙 Terre brisée de Clare Leslie Hall, un premier roman qui se lit comme un thriller, sur l’amour, la trahison et le pardon.
📙 Secrets de guérisseuse de Lila Rhiyourhi, le livre indispensable pour prendre soin de ses énergies en réalisant des rituels de purification et de rééquilibrage vibratoire.
📙 Pachinko de Min Jin Lee, une fresque familiale qui nous transporte de la Corée au Japon, sur les routes de l’exil. Ce roman est classé 5e meilleur livre du XXIe siècle par le New York Times !
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