Août 4, 2025
Hélène Meurice est relectrice et correctrice pour plusieurs maisons d’édition. Son métier est peu connu, mais pourtant indispensable afin de garantir la qualité des textes publiés.
Grâce à son œil aiguisé, Hélène traque les fautes et les coquilles, notamment dans les romans, les bandes dessinées ou bien encore les guides de voyage. Au fil des années, elle a su gagner la confiance des éditeurs et des éditrices, son expertise permettant d’offrir au public des textes relus avec soin, pour une expérience de lecture optimale.
Rencontre avec cette passionnée pour qui la langue française n’a plus de secrets !
Hélène Meurice, relectrice-correctrice
Bien sûr ! Mon métier consiste à relire et à corriger des textes pour différentes maisons d’édition.
Il faut savoir qu’il y a plusieurs étapes dans la correction des manuscrits, dont une étape importante qui se fait sur Word et que l’on appelle « la préparation de copie ».
Lorsque je réalise une préparation de copie, je suis amenée, si la maison d’édition me le demande, à reformuler les phrases, en prenant soin de respecter le style de l’auteur·e.
Je vérifie aussi l’ensemble des informations présentes dans le texte. Par exemple, pour un ouvrage qui comporte des dates historiques ou des noms propres, je vérifie l’exactitude de ces informations, ainsi que l’orthographe.
Dans le cas d’un roman, je veille notamment à ce que les noms des personnages ou des lieux soient orthographiés de la même manière tout au long de l’histoire (d’autant plus s’ils sont inventés et que l’orthographe n’est pas vérifiable).
J’harmonise également l’écriture de certains noms communs. Par exemple, le mot « clé » a deux graphies possibles : « clé » ou « clef », et c’est important que, dans un ouvrage, la même orthographe soit utilisée pour chaque occurrence.
Pour ce type d’harmonisation, soit la maison d’édition m’envoie sa « charte », avec les partis pris définis, soit c’est moi qui décide.
Je prends donc le temps d’harmoniser l’orthographe, de vérifier les informations, les dates, et de corriger les fautes, ainsi que la typographie.
Concernant la typographie, je suis vigilante, entre autres, aux espaces qui se trouvent devant les points d’interrogation, les points d’exclamation, le point-virgule ou les deux-points. On appelle ça des « espaces insécables », qui empêchent de séparer le mot du signe de ponctuation, en fin de ligne.
Afin d’harmoniser, je fais donc un « rechercher-remplacer » dans le manuscrit pour remplacer l’espace « normale » par l’espace insécable, pour traquer les doubles espaces ou les espaces manquantes (en typographie, le mot « espace » est féminin).
Lorsque je réalise une préparation de copie, je suis amenée, si la maison d’édition me le demande, à reformuler les phrases, en prenant soin de respecter le style de l’auteur·e.
📚 Le logiciel Antidote
Certains et certaines correctrices se servent du logiciel Antidote pour corriger les textes de façon automatique. Il s’agit d’un logiciel de correction grammaticale, adapté à ce type de relecture professionnelle.
Oui, mon degré d’intervention dépend du livre que les maisons d’édition me confient.
Sur un plan littéraire et grammatical, je suis moins interventionniste sur un livre de développement personnel ou un guide touristique que sur un roman.
Lorsque je corrige un roman, si je suggère de reformuler une phrase, c’est parce que je considère qu’elle doit être améliorée au niveau grammatical, afin de gagner en fluidité et en compréhension. Je suis aussi très attentive aux répétitions. Si un mot est employé plusieurs fois dans un même paragraphe, alors je propose des synonymes.
Lorsque je relis un guide de voyages Le Routard, une collection sur laquelle je travaille depuis plusieurs années, je vérifie attentivement les petits détails techniques. Par exemple, je suis très vigilante sur la cohérence entre les informations données dans le texte et celles des plans. Je me focalise donc plus sur l’information et sa qualité que sur le style ou les répétitions.
En fait, pour tous les textes que je prépare ou corrige, je m’adapte à la demande de la maison d’édition et au style du livre.
📚 Le parcours d’Hélène
📙 1993 : DEUG de lettres à Saint-Étienne.
📙 1994 : licence d’études théâtrales à Lyon.
📙 2002 : diplômée de Formacom.
📙 Depuis 2002 : lectrice-correctrice en freelance pour plusieurs maisons d’édition :
🌟 Littérature et essais : Les Arènes, Les Éditions Bleu et Jaune.
🌟 Théâtre : Les Solitaires Intempestifs (Besançon), L’Espace d’un instant.
🌟 Livres photographiques (spécialisés sur le trail) : Mons (Angoulême).
🌟 Bandes dessinées : Les Rêveurs, Expé Éditions (Bordeaux).
🌟 Développement personnel, ésotérisme : Leduc, Groupe Guy Trédaniel.
🌟 Guides touristiques et guides pratiques pour Hachette.
Oui, et c’est ça qui me plaît ! Vie pratique, développement personnel, littérature française ou étrangère, guides de voyages, BD… : cette diversité me stimule. Je suis toujours dans la curiosité par rapport aux textes qui me sont confiés. On peut avoir l’impression que je passe mes journées à faire toujours la même chose, mais chaque livre est une nouvelle aventure pour moi.
Chercher les fautes dans un texte et réécrire quand cela est nécessaire est presque un jeu, une gymnastique pour mon cerveau ! Mais la concentration et les compétences que cela requiert en font un travail.
J’adore mon métier et j’ai la chance de pouvoir l’exercer depuis mon domicile. Comme je suis plutôt solitaire, travailler seule ne me dérange pas. Je m’organise donc comme je veux et cela fait partie de mon épanouissement.
Cette diversité me stimule. Je suis toujours dans la curiosité par rapport aux textes qui me sont confiés.
Oui, avant d’être diplômée de Formacom, j’ai fait un long stage au Monde avec M. Jean-Pierre Colignon, alors responsable du service correction du journal. Je le considère comme mon maître ! Il m’a appris beaucoup, en me donnant toutes sortes d’exercices d’orthotypographie concoctés par ses soins, des nécrologies et autres textes à corriger « à la pelle » sur un petit bureau derrière le sien…
Il a d’ailleurs écrit des ouvrages sur la langue française (ponctuation, accords, orthotypographie…) qui m’aident au quotidien dans mon travail et son blog est très intéressant (cliquez ici pour le consulter). Puis j’ai travaillé quelques mois dans une entreprise de communication et mes journées consistaient à attendre que les articles « tombent ».
Je devais les corriger dès réception, puis les envoyer à un maquettiste pour qu’il intègre mes corrections avant le BAT (bon à tirer).
J’étais très bien payée, mais l’ambiance et les horaires de bureau ne me correspondaient pas.
Heureusement, j’ai intégré Formacom et j’ai pu partir sans regrets…
Ensuite, par le bouche à oreille et surtout grâce à mon obstination, j’ai trouvé rapidement des missions en freelance dans l’édition, secteur dans lequel j’ai toujours voulu travailler. Cela m’a tout de suite convenu.
À présent, je fais ce métier depuis plus de vingt ans et j’ai la chance de ne jamais manquer de travail.
Les « Bibles » utilisées par Hélène pour relire et corriger les manuscrits :
Oui, je travaille pour plusieurs maisons d’édition indépendantes, notamment une avec laquelle je collabore depuis que j’ai débuté.
C’est un metteur en scène, Dominique Dolmieu, qui a fondé sa maison d’édition, L’Espace d’un instant, et qui publie des auteur·e·s d’Europe et d’Asie centrale. Il s’agit de traductions, du théâtre assez engagé, politique, très émouvant ou dérangeant.
J’ai une affinité particulière avec le théâtre, car j’en ai fait quand j’étais plus jeune… Je collabore également avec une autre maison d’édition qui publie des textes de théâtre français, très contemporains, à Besançon : Les Solitaires Intempestifs.
Je travaille aussi pour Les Éditions Bleu et Jaune, dirigées par Tatiana Sirotchouk, une éditrice ukrainienne qui publie de la littérature étrangère, des textes magnifiques !
La ligne éditoriale de cette maison d’édition me touche beaucoup : la découverte de l’Autre. « Désenclaver les frontières entre pays et cultures et construire des ponts interculturels est notre engagement, notre mission et notre contribution à l’humanité. »
Ci-dessus, des ouvrages parus aux éditions L’Espace d’un instant, Les Solitaires Intempestifs, Les Rêveurs et Les Éditions Bleu et Jaune.
J’interviens également sur de la bande dessinée pour deux petites maisons d’édition : Les Rêveurs –maison fondée, entre autres, par Manu Larcenet, que les grands amateurs de BD connaissent bien… –, et Expé Éditions.
En général, si je fais la préparation de copie d’un manuscrit, l’éditeur ou l’éditrice demande à un autre correcteur ou à une autre correctrice d’intervenir sur les épreuves.
Mais ce n’est pas toujours le cas. Pour les Éditions Bleu et Jaune, par exemple, je suis la seule correctrice et j’interviens à toutes les étapes de réalisation des ouvrages, dès la préparation de copie.
Comme il s’agit de traductions, je suis en lien avec le traducteur ou la traductrice. Je pose mes questions ou suggère des reformulations en commentaires sur le doc Word.
Ensuite, j’envoie à l’éditrice le texte corrigé et validé par le traducteur ou la traductrice, avec l’historique de mes corrections.
Le texte sera alors mis en page par le maquettiste et me reviendra pour une relecture « sur épreuves », où je corrigerai les fautes ou coquilles non vues à la première lecture, les éventuels problèmes de typo ou de mise en page, etc.
J’aime beaucoup la préparation de copie, car c’est, selon moi, l’étape la plus intéressante, celle qui offre le plus de liberté au niveau des interventions sur le texte : essayer de donner de la fluidité à une phrase maladroite, trouver le bon mot en cas de répétition ou d’imprécision, signaler une incohérence…
Dans le cas du Routard, cette étape requiert des compétences spécifiques sur Word (appliquer des feuilles de style, notamment), et cette petite responsabilité supplémentaire sur le texte me plaît particulièrement…
Et puis, quand je suis en préparation de copie, je sais que le texte sera relu ensuite. Si je laisse passer une faute, ce n’est pas si grave. Alors que lorsque je relis les épreuves avant le BAT, j’ai beaucoup plus de pression et pas droit à l’erreur ! Mon œil doit être en hypervigilance. Ce n’est pas le même niveau de concentration.
J’aime beaucoup la préparation de copie, car c’est, selon moi, l’étape la plus intéressante, celle qui offre le plus de liberté au niveau des interventions sur le texte.
J’ai découvert le métier et la formation Formacom complètement par hasard, à l’époque où je faisais du théâtre.
À ce moment-là, je ne savais pas encore bien ce que je voulais faire. Je savais juste que je voulais exercer un travail en lien avec les textes, les livres. Je me souviens avoir pensé que ce métier était fait pour moi !
J’ai donc passé les examens pour entrer à Formacom, j’ai été admise, et, six mois plus tard, j’ai été diplômée. Il s’agit d’une formation certifiante reconnue dans l’édition et le milieu de la presse.
Elle est également reconnue par le Syndicat des correcteurs, car c’est lui qui l’a créée afin que les correcteurs reçoivent une formation de qualité.
Aujourd’hui, l’école a fermé, mais le Greta CDMA (Création Design Métiers d’Art) a repris le diplôme et la formation de lecteur-correcteur.
🌼 Pour plus d’informations sur cette formation, cliquez ici.
Oui, j’ai envoyé ma candidature à plusieurs maisons d’édition et j’ai été retenue par les éditions Belfond. En parallèle, j’ai eu la chance qu’une amie correctrice du Figaro me mette en relation avec la rédactrice en chef du magazine L’Essentiel de la coiffure, et une autre de ses amies journalistes qui travaillait pour un magazine de politique africaine : Le Nouvel Afrique Asie. Toutes deux recherchaient à ce moment-là un correcteur ou une correctrice…
J’ai donc commencé à corriger ces deux magazines, qui n’existent plus aujourd’hui, et à relire des romans pour Belfond.
Et peu à peu, comme je le disais tout à l’heure, grâce au bouche à oreille et à mon entêtement, j’ai trouvé des missions dans plusieurs maisons d’édition.
📚 Les qualités pour relire et corriger les manuscrits
Selon moi, les qualités principales à développer pour exercer mon métier sont les suivantes :
🌟 La passion : sans la passion pour ce métier, on risque de se lasser très vite !
🌟 La rigueur : c’est un travail dans lequel il faut être concentré·e et respecter les délais donnés par les maisons d’édition, c’est très important.
🌟 L’opiniâtreté : je ne me décourage jamais, ni en cas de baisse de charge de travail (auquel cas je peux « relancer » mon réseau), ni en cas de surcharge, ni en cas de fatigue ! Je terminerai coûte que coûte dans les temps…
🌟 L’ouverture d’esprit : une qualité indispensable pour accepter de corriger toutes sortes de textes, sans jugement.
🌟 L’humilité : je ne suis pas l’auteur·e des textes qu’on me confie, il faut donc que je sache « rester à ma place » et faire des propositions toujours dans le respect et la bienveillance.
🌟 Le respect du style et de la pensée de l’auteur·e : je m’imprègne du texte pour faire des propositions cohérentes lorsque je propose des reformulations, par exemple.
J’ai souvent plusieurs ouvrages en même temps. En fonction des délais, j’essaye de travailler sur l’un, puis l’autre, mais je ne peux pas toujours.
Au sein d’une journée, je m’organise selon le niveau de concentration nécessaire et la complexité des textes.
Même quand mon activité est dense, je respecte toujours la date de retour demandée par les maisons d’édition, car je sais que les délais de production sont serrés pour toutes les personnes qui interviennent dans la réalisation des livres.
🌼 Pour voir toutes les étapes de la réalisation d’un livre, reportez-vous à l’article dédié à ce sujet en cliquant ici.
Au sein d’une journée, je m’organise selon le niveau de concentration nécessaire et la complexité des textes.
La plupart du temps, je relis les textes sur écran. Mais il m’arrive encore de recevoir des épreuves au format papier.
Par exemple, Les Éditions Bleu et Jaune et Les Arènes me demandent de relire sur papier quand elles me confient un roman.
Mais, depuis quelques années, je relis plutôt sur écran. On évite ainsi de perdre du temps dans les délais postaux, on économise du papier et on évite les frais d’envoi…
On pense souvent qu’on laisse passer plus de fautes à l’écran que sur papier, mais je n’en suis pas si sûre.
L’avantage de l’écran, c’est qu’on peut grossir considérablement le corps. Et il m’est arrivé de retrouver des fautes que je n’avais pas vues sur la version papier en relisant rapidement sur mon écran le texte grossi.
Non, je ne m’en sers pas du tout. Je suis un peu de la vieille génération !! J’ai eu mon premier ordinateur à l’âge de 30 ans et je me suis formée aux logiciels nécessaires pour devenir correctrice.
Mais je ne suis pas du tout « geek » et j’avoue que l’intelligence artificielle me fait peur plus qu’elle m’attire. Tout comme les métiers de traducteur et de traductrice ou d’éditeur et d’éditrice, je me demande à terme comment mon métier va évoluer…
Oui, selon moi, ce sont ces choses ténues qui feront la différence entre mon travail et une relecture effectuée par l’intelligence artificielle. Mais j’avoue ne pas être assez calée sur le sujet pour en parler avec aisance…
Par ailleurs, je pense que les maisons d’édition avec lesquelles je travaille prennent soin de sélectionner les textes qu’elles publient, donc je n’ai (à ma connaissance !) pas eu à relire de manuscrits écrits avec l’intelligence artificielle.
Dans l’ensemble, je reste plutôt optimiste, parce que mes compétences et mon savoir-faire risquent de devenir plus rares, et donc peut-être plus demandés.
Je me rends compte que peu de personnes possèdent une orthographe et une grammaire de qualité. Je le vois notamment chez les jeunes, y compris chez mes enfants (à qui j’ai pourtant essayé de donner le goût des livres et de la langue française…), et j’avoue que ça me désole.
Je trouve des fautes dans le moindre e-mail ou message que je reçois. Donc cela me fait dire que c’est un atout aujourd’hui de posséder une bonne connaissance de la langue française et de ses subtilités.
J’attends de voir comment tout cela va évoluer dans les prochaines années, car on n’en est qu’au début…
Selon moi, ce sont ces choses ténues qui feront la différence entre mon travail et une relecture effectuée par l’intelligence artificielle.
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